Si l’Université de Montréal est aujourd’hui un centre d’astrophysique des particules, c’est bien grâce à Viktor Zacek qui, depuis qu’il est devenu professeur au Département de physique en 1993, a réussi à former, puis diriger, une collaboration internationale sur la recherche de la matière sombre de l’univers.
Après avoir obtenu son doctorat, avec habilitation à l’Université technique de Munich, en 1980, il devient chercheur postdoctoral à l’Institut Paul Scherrer, en Suisse, et participe à l’expérience d’oscillations de neutrinos au réacteur Goesgen. Il est ensuite membre scientifique du CERN et membre des collaborations CHARM II (réactions (ν,μ) sur électrons) et CHORUS (oscillations νμ ↔ ντ ), avant de se joindre au personnel de notre Département de physique. Là, il veut d’abord sonder l’infiniment petit et participe à des expériences de physique aux hautes énergies des collisionneurs e+ e– (à LEP et à SLAC), et pp (au LHC).
Mais graduellement, il s’oriente vers l’autre limite de l’infiniment grand, préférant se spécialiser en physique de très basse énergie pour élucider les problèmes de cosmologie. Voyant que certains dosimètres fonctionnaient grâce à la production de bulles dans un liquide surchauffé, c’est-à-dire à une température bien au-dessus de la température d’ébullition, il a eu la brillante idée d’appliquer la technique à la recherche de la matière sombre de l’univers. Après avoir produit plusieurs prototypes de détecteurs contenant une émulsion dans laquelle sont maintenues en suspension des gouttelettes de C4F10 dans des conditions de surchauffe, Il perfectionne la technique en collaboration avec le professeur Louis Lessard, et démontre, que sous l’exposition à un faisceau de neutrons au Tandem du Laboratoire RJA Lévesque, le recul des noyaux dans une gouttelette dépose une énergie suffisante pour produire une transition de phase, transformant la gouttelette en bulle. Par méthode acoustique, il devient possible de détecter la transition et de la localiser. Après de longues et patientes recherches pour comprendre en détail toutes les caractéristiques du détecteur et sa performance, et pour réduire le bruit de fond à un niveau extrême, le principe de détection est appliqué à la recherche de WIMP (Weakly Interacting Massive Particles). L’expérience PICASSO, dont il est le principal chercheur, devient en 2000 une collaboration internationale comprenant neuf institutions du Canada, des États-Unis, de la République Tchèque et de l’Inde. Le professeur Claude Leroy, directeur du GPP, et Viktor négocient son installation au laboratoire souterrain SNOLAB, au fond de la mine de Sudbury. Picasso fournit alors les premières limites sur l’existence de WIMP. C’est vite devenu l’une des expériences les plus sensibles au monde à l’interaction WIMP-nucléon dépendante du spin.
Mais Viktor ne s’arrête pas là… Les équipes des expériences PICASSO et COUPP se joignent en 2013 pour former la collaboration PICO dont il est le co-porte-parole canadien de 2012 à 2014, avec le but de réaliser PICO500, un détecteur hypersensible à l’échelle d’une tonne, basé sur le principe des liquides en surchauffe.
C’est toujours un plaisir de discuter avec Viktor car il a une curiosité bien particulière et toujours de bonnes idées. Il est, comme tout bon physicien, fasciné par les questions fondamentales et les phénomènes bizarres rapportés dans les journaux, mais surtout, il se passionne à trouver des moyens ingénieux pour les étudier simplement. Par exemple, lorsqu’on parlait de fusion froide nucléaire par cavitation acoustique de bulles, il a tout de suite fait construire à l’atelier un appareil pour vérifier si l’effet était réel. Aujourd’hui, bien que retraité depuis 2018, il reste très actif. Alors qu’il participe toujours à PICO à Montréal, avec le professeur Alan Robinson, et en particulier avec la Czech Tecnical University à Prague et avec l’Institut Saha à Kolkata, il a initié un nouveau projet, créant une nouvelle petite collaboration internationale. En étudiant la désintégration d’états excités du 8Be et 4He au laboratoire RJA Lévesque, il veut vérifier la découverte potentiellement révolutionnaire qu’un groupe hongrois pense avoir faite, de l’existence d’un nouveau boson de 17 MeV.
La contribution de Viktor à la vie académique de l’Université de Montréal n’est pas moins importante que sa recherche. Il a été directeur du Groupe de Physique des Particules de 1994 à 2001. Il a été membre du comité de planification de TRIUMF et il est toujours membre du comité exécutif de SNOLAB. Il participe à la création de SNOLAB en 2004, puis en 2012 de CPARC, un nouveau centre Canadien pour la recherche en astrophysique des particules. Dix-neuf thèses de maîtrise et sept de doctorat ont été réalisées dans le cadre de PICASSO-Montréal, et cinq membres du groupe montréalais ont été promus professeurs au Canada ou aux États-Unis. Il a enseigné plusieurs cours, en particulier en physique des particules, en physique nucléaire, en relativité restreinte et générale, et en cosmologie.
Et la prochaine fois que vous vous promènerez dans le hall principal du pavillon central, vous pourrez admirer le pendule de Foucault qu’il a conçu et fait construire lui-même avec l’aide du professeur François Schiettekatte. Merci, Viktor, pour ce tout ce que tu as accompli. On te souhaite une bonne et heureuse retraite, et on espère que tu resteras aussi actif que tu l’as toujours été, avec ta bonne humeur!
Georges Azuelos
Département de physique
Université de Montréal
Zacek (UdeM) explique au célèbre prof. Stephen Hawking le fonctionnement d’un module de l’expérience PICASSO lors de sa visite à SNOLAB en 2012.