LA GRANDE UNIFICATION 2022


Le Département de physique de l’Université de Montréal (UdeM) célébrait le 6 octobre 2022 ses plus grandes retrouvailles depuis sa fondation en 1920 sous le thème de la « Grande Unification ». Cet événement festif, marquant la clôture du centième anniversaire[1], regroupait plus de 150 personnes provenant de toute la grande famille du Département, une communauté de gens passionnés, fière de son passé et résolument orientée vers la postérité.

FESTIVITÉS DE LA GRANDE UNIFICATION 2022

Les festivités de la Grande Unification 2022 organisées sous la responsabilité du professeur Richard MacKenzie, aidé et inspiré par l’énergie et l’enthousiasme d’Hélène Lamothe – qui a travaillé au sein du Département pendant de nombreuses années – et d’une équipe dédiée de co-organisateurs et de bénévoles, se poursuivirent au campus MIL (en présentiel) et inclurent:

  • Le discours de Nicole St-Louis, directrice du Département de physique;
  • La présentation du projet étudiant de la Chambre à étincelles par Sascha Zakaib-Bernier, projet visant à offrir une expérience pratique et servant de vitrine pour la sensibilisation aux sciences de la physique des particules;
  • La conférence Aux confins de l’univers : Télescope James Webb par Nathalie N.-Q. Ouellette où furent présentés sa conception, ses impacts et une galerie d’images remarquables toutes aussi impressionnantes les unes que les autres;
  • Les visites guidées des nouveaux laboratoires d’enseignement et de recherche du campus MIL (certifié LEED Or[2]);
  • La soirée cocktail ponctuée de prestations musicales;
  • Le dévoilement d’une plaque commémorative présentant le nom des membres du Comité du centenaire, des collaborateurs de l’atelier d’usinage du Laboratoire René-J.-A.-Lévesque et de la Division de la gestion de documents et des archives (recherches historiques) ainsi que des membres de l’équipe de projet étudiant de la Chambre à étincelles (groupe de physique subatomique) sous la responsabilité de Louis-André Hamel;
  • Après que chacun des participants fut invité à déposer ses souhaits de postérité pour le 200e anniversaire en 2120 dans le tonnelet du centenaire (une capsule temporelle), ce dernier fut scellé par Nicole St-Louis, directrice du Département et Jean-François Arguin, président du Comité du centenaire, en présence de Richard MacKenzie, président du Comité de la Grande Unification et Taïk Bourhis, directrice de la Division des archives et de la gestion de l’information.

 

Fait de chêne de grande qualité provenant de la Slovénie, un des meilleurs endroits au monde pour la production de ce bois noble, le tonnelet symbolise le caractère solide, persistant et digne de confiance. Son usage vise habituellement à transmettre un goût exquis aux vins ou alcools et à apporter une complexité et un caractère tout à fait unique aux produits ainsi infusés. Les membres organisateurs demeurent convaincus qu’en 2120 les souhaits déposés le 6 octobre 2022 lors de la clôture des festivités du centenaire sauront révéler ces « saveurs » exquises, uniques et complexes du Département de physique de l’UdeM d’aujourd’hui.

Finalement, le traditionnel toast fut porté par Matthieu P. Lavallée à la Santé et au succès du Département de physique et à l’UdeM.

Cette journée fut mémorable et tous en garderont un excellent souvenir.

 

 

UN RAYONNEMENT PANCANADIEN

«Le département, c’est l’œuvre de pionniers qui sont partis de rien en 1920 pour arriver à un département d’envergure internationale, c’est assez extraordinaire ! »

Matthieu P. Lavallée (Physique ‘75),
UdeM Nouvelles (Octobre 2021)

 

À l’occasion du centième anniversaire du Département, un reportage exclusif devant être publié dans la Revue de l’Association canadienne des physiciens et physiciennes par Matthieu P. Lavallée résume les festivités du centenaire et rend un vibrant hommage à nos pionniers des sciences à l’UdeM. En voici un extrait :

« Après des études classiques à Montréal, Joseph-Ernest Gendreau (1879-1949) entreprit des études supérieures en Europe et notamment à Paris où il étudia la physique (en particulier la radioactivité), la chimie, la médecine et la radiologie. De retour au pays, il fut, en 1920, un des membres fondateurs de la Faculté des sciences (aujourd’hui Faculté des arts et des sciences). Il occupa la première chaire de physique de l’UdeM et enseigna la science des radiations aux futurs médecins. En 1937, il fut l’un des délégués nommés par le premier ministre canadien William Lyon Mackenzie King pour représenter le Canada à l’Exposition universelle de Paris, laquelle était consacrée aux « Arts et techniques dans la vie moderne » avec l’objectif de mieux faire connaître les bienfaits des retombées de la science dans le grand public. Il en revint émerveillé et marqué par les multiples expériences qui y furent menées et conduites par des « démonstrateurs », dont celle du générateur électrostatique de Van de Graaff.

Deux ans plus tard, en 1939, il convainquit le jeune Pierre Demers, alors étudiant à l’École normale supérieure (ENS) de Paris, de poursuivre ses études en physique atomique. Demers se joignit à l’équipe de Frédéric Joliot-Curie, contribua avec l’Américain Sherwood K. Haynes à l’installation du premier cyclotron français au Collège de France – dont les plans avaient été fournis par le célèbre physicien américain (prix Nobel de physique en 1939) Ernest Orlando Lawrence de Caltech – et entreprit des recherches sur les neutrons au Laboratoire de synthèse atomique d’Ivry-sur-Seine. En juin 1940, l’invasion de la France par l’armée allemande au début de la Seconde Guerre mondiale l’obligea à revenir précipitamment au Canada.

En 1942, à l’occasion du 300e anniversaire de la fondation de Montréal, le Département de physique de l’UdeM prit un important virage lorsque l’UdeM déménagea dans un nouveau bâtiment principal construit sur le mont Royal (aujourd’hui le pavillon Roger-Gaudry). Dans une aile inoccupée, avec l’aide du gouvernement britannique, le Conseil national de recherches du Canada y installa une prestigieuse équipe de chercheurs européens venue du Laboratoire Cavendish de l’Université de Cambridge, rendu célèbre par le père de la physique nucléaire Ernest Rutherford après ses travaux sur la radioactivité à l’Université McGill entre 1898-1907. Ce laboratoire nucléaire secret, connu sous le nom de Laboratoire de Montréal, fut le premier centre de recherche international au monde et le seul en dehors des États-Unis à participer au Projet Manhattan devant conduire au développement de la bombe atomique américaine.[3] Au total, 580 personnes y travaillèrent de 1942 à 1946 dans le plus grand secret, dont d’éminents savants de diverses nationalités, dont Pierre Demers. Après la Seconde Guerre mondiale, ce laboratoire fut démobilisé et les recherches en sciences nucléaires se poursuivirent aux laboratoires nucléaires de Chalk River (mieux connus sous le nom de Chalk River Labs). L’UdeM procéda alors à la réorganisation de son Institut de physique; la direction du nouveau Département de physique fut confiée à Marcel Rouault, un professeur-chercheur français (agrégé de l’ENS) spécialiste de la diffusion des gaz. En janvier 1947, Pierre Demers commença sa carrière en tant que professeur dans ce Département. En 1956, Paul Lorrain se joignit à l’équipe et devint directeur l’année suivante.

L’arrivée de René J.-A. Lévesque en 1960 donna une impulsion à la physique moderne. Il occupa les postes de directeur du Département de physique en 1969, de doyen de la Faculté des arts et sciences de l’UdeM en 1975 puis de vice-recteur à la recherche en 1978. L’astrophysique fit son entrée à ce moment dans le Département avec la venue du théoricien Serge Lapointe, puis celle d’Hubert Reeves, notre plus illustre représentant sur la scène internationale. Entre 1957 et 1966, le nombre de chercheurs titulaires d’un doctorat de physique fit un bond spectaculaire, passant de trois à vingt-sept. En 1968, l’UdeM intégra à son campus universitaire un laboratoire de physique nucléaire (aujourd’hui le pavillon René-J.-A.-Lévesque) comprenant un accélérateur de particules (Tandem EN1), témoin de l’effervescence de la recherche nucléaire à l’échelle mondiale à cette époque.

En 1963, Gilles Cloutier devint professeur titulaire au Département de physique puis directeur des recherches à Hydro-Québec en 1971 où il joua un rôle majeur dans la mise sur pied du projet pancanadien Tokamak de Varennes considéré comme le plus important projet de recherche en physique réalisé au Canada à cette époque. En 1985, il devint recteur de l’UdeM après avoir été le président de l’Alberta Research Council de 1978 à 1983. En 1998, il fut nommé président adjoint du Conseil consultatif des sciences et de la technologie d’Industrie Canada par le premier ministre canadien Jean Chrétien.

En 1966, le Département fit l’acquisition d’un accélérateur de particules et recruta une dizaine de professeurs-chercheurs en science nucléaire dont Paul Taras, spécialiste de la spectroscopie nucléaire. En 1969, Pierre Depommier, spécialiste des particules fondamentales et leurs interactions, prit la direction du nouveau laboratoire de physique nucléaire de l’UdeM. En 1978, l’Observatoire du Mont-Mégantic vit le jour sous l’initiative de Gilles Beaudet et de Georges Michaud ouvrant la porte à une expertise canadienne en observation infrarouge (astronomie observationnelle), laquelle fut mise en valeur par René Doyon dans plusieurs projets d’instruments ultra-spécialisés.

Jean-Robert Derome, nommé directeur du Département en 1988, développa de nouveaux groupes de recherche, dont celui de la physique des plasmas, de la cosmologie et celui de la physique de la matière condensée. Les dernières décennies furent aussi témoins de nombreuses découvertes auxquelles des membres des communautés diplômées, scientifiques et enseignantes de l’UdeM participèrent, notamment celles sur la matière sombre de l’Univers, sur les exoplanètes, la physique des particules et sur le boson de Higgs sans oublier celles sur la cryptographie quantique par Gilles Brassard (professeur titulaire au Département d’informatique et de recherche opérationnelle) qui a conduit à la description pionnière d’un protocole de téléportation quantique (réalisé grâce à l’intrication quantique). Des disciplines « plus jeunes » sont aussi arrivées dans le monde de la physique telles que la physique solaire, les étoiles massives, la biophysique, la physique médicale, le vieillissement des matériaux ainsi que des outils innovants tels que les calculs de « haute performance ».

Richard Leonelli, spécialiste de spectroscopie optique des semi-conducteurs et des hétérostructures à confinement quantique et membre fondateur du Regroupement sur les matériaux de pointe, fut directeur du Département de 2013 à 2021. C’est sous sa responsabilité que les célébrations du centenaire furent lancées en 2020, mais reportées en 2021 à cause de la pandémie.

 

 

UN DÉPARTEMENT TOURNÉ VERS L’AVENIR

Aujourd’hui, Madame Nicole St-Louis, directrice du Département de physique depuis 2021, admet qu’il existe « deux secteurs d’activités où Montréal excelle et qui ont le potentiel de changer la donne avec des outils extrêmement puissants : les sciences de l’information quantique et l’intelligence artificielle. Ce qui nous permettra d’exploiter des données qu’on n’aurait jamais pu traiter avec nos cerveaux humains. » Aujourd’hui, le Département poursuit sa mission fondamentale de former du personnel hautement qualifié pour les entreprises canadiennes, les services de santé, les institutions de recherches gouvernementales, l’enseignement postsecondaire, etc.

Signe des temps, la présence des femmes en physique s’est accélérée : vingt et une ont obtenu un diplôme de premier cycle au cours des cinquante premières années du Département de physique et autant entre… 2017 et 2019 ! Pour en nommer que quelques-unes à la carrière particulièrement illustre: Chantal Mallen, Martine Simard-Normandin, Ève Christian, Corinne Le Quéré, Roxanne Guénette, Suzanna Randall, etc.

L’UdeM est plus que jamais une figure emblématique de l’expertise scientifique au Québec et au Canada. Ses réalisations passées laissent une empreinte indélébile et inspirante pour nous tous. Il faut maintenant se tourner vers l’avenir en réaffirmant la nature coopérative, universelle et généreuse de la Science.

Pour en savoir plus:

http://histoire.phys.umontreal.ca/index.html
http://histoire.phys.umontreal.ca/centenaire/quizz.pdf

Vive la physique à l’UdeM !

Matthieu P. Lavallée, physicien-ingénieur-auteur
Membre du Comité centenaire et du Comité de la Grande Unification

 


[1] Le résumé des événements du centenaire du Département de physique de l’UdeM est disponible à l’adresse suivante : http://histoire.phys.umontreal.ca/centenaire/histoire/festivites-du-centenaire

[2] LEED est une certification reconnue à travers le monde pour la conception, la construction et l’exploitation de bâtiments écologiques.

[3] Voir : https://www.librairie.umontreal.ca/product.aspx?sold=1&id=413171