Des miroirs silencieux

Les miroirs que nous utilisons dans la vie de tous les jours sont constitués d’une fine couche de métal déposée à l’endos d’une vitre très plate. Ce genre de miroir réfléchit environ 90% de la lumière, ce qui est largement suffisant pour se refaire une beauté, mais beaucoup trop peu pour des applications telles que des lasers, où on cherche un coefficient de réflexion meilleur que 99.999%. De plus, pour certaines expériences d’ultra-haute précision comme la détection d’ondes gravitationnelles dans l’expérience LIGO (prix Nobel de physique de 2017) ou dans les ordinateurs quantiques basés sur la lumière, une excellente réflectance ne suffit pas. Il faut aussi que les miroirs bougent le moins possible. Et même une fois toutes les vibrations de l’extérieur atténuées, des sources de bruits provenant des miroirs eux-mêmes nuisent aux expériences. Dans le cas de LIGO, dans son domaine de fréquence le plus sensible, ce sont les fluctuations engendrées par un phénomène quelque peu inusité qui sont la principale source de bruit.

Ceux qui connaissent l’électronique se rappellent peut-être avoir entendu parler du bruit de Schottky : quand un courant s’écoule dans une résistance, celui-ci fluctue. Le phénomène trouve son origine dans les collisions que font les électrons lorsqu’ils ralentissent, puisqu’il s’agit d’une résistance. Ainsi, dissipation implique fluctuations, donc bruit aléatoire. Un phénomène semblable se produit avec LIGO : une dissipation mécanique encore inexpliquée dans les matériaux qui constituent ses miroirs cause des fluctuations de sa surface, infimes (10‑18 m), mais néanmoins dominantes.

Depuis 2016, un groupe de l’Université de Montréal et de Polytechnique Montréal, membres du Regroupement Québécois sur les Matériaux de Pointe (RQMP) et spécialiste des matériaux désordonnés comme ceux qui constituent les miroirs de LIGO, se penche sur ce problème. En étroite collaboration avec des équipes de CalTech, Colorado State, Stanford, Glasgow et du MIT, ils cherchent à identifier un matériau qui minimiserait cette source de bruit, tout en essayant de trouver l’origine du phénomène. Le groupe de Montréal fournit son expertise en synthèse et mesure des propriétés de ces matériaux, ainsi que leur modélisation au niveau atomique. Récemment, grâce entre autres à leurs contributions, un composé a été identifié, qui devrait permettre à LIGO de détecter plusieurs ondes gravitationnelles par semaine au lieu de quelques-unes par année à l’heure actuelle. Ils continuent par ailleurs à chercher le meilleur matériau et la meilleure méthode de synthèse pour les miroirs des prochaines générations de détecteurs d’ondes gravitationnelles et d’ordinateurs quantiques.

Le groupe LIGO-UdeM/Poly : Bill Baloukas et Ludvik Martinu de Polytechnique Montréal, ainsi que, de l’Université de Montréal, Martin Chicoine, Alexandre Lussier, Émile Lalande, Carl Lévesque, Sjoerd Roorda, Normand Mousseau et François Schiettekatte. (Absent.e.s de la photo : Samuel Rail, Rosalie Shink et Marianne Ward.)

Informations complémentaires :

Le laboratoire LIGO est une installation majeure financée par la NSF. LIGO est exploité par Caltech et le MIT, qui ont conçu LIGO et dirigé le projet de détecteur Advanced LIGO. Le soutien financier du projet Advanced LIGO provient principalement de la NSF, l’Allemagne (Max Planck Society), le Royaume-Uni (Science and Technology Facilities Council) et l’Australie (Australian Research Council-OzGrav) ayant pris des engagements et des contributions importants au projet. Environ 1 400 scientifiques du monde entier, dont ceux de de l’Université de Montréal et de Polytechnique Montréal, participent à l’effort d’analyse des données et de développement de conceptions de détecteurs grâce à la Collaboration Scientifique LIGO (LSC), qui comprend la collaboration GEO. Une liste de partenaires supplémentaires est disponible sur https://my.ligo.org/census.php.

Les activités au sein de la LSC des chercheurs de l’Université de Montréal et de Polytechnique Montréal, membres du Groupe en Science et Technologie des couches minces (GCM), sont appuyées par le FRQNT à travers le RQMP, le programme Projet en Équipe du FRQNT, les programmes Découvertes et Chaires Industrielles du CRSNG, et sont réalisés sur des équipements obtenues grâce à des programmes de la FCI et du CRSNG, dont plusieurs font partie des plateformes du GCM. Les simulations sont réalisées grâces aux plateformes de Calcul Québec et Calcul Canada.

Porte-parole / personne-contact :

François Schiettekatte, prof. Regroupement Québécois sur les Matériaux de Pointe (RQMP) et Département de physique Université de Montréal

francois.schiettekatte@umontreal.ca
tel : 514-343-6049