Philippe St-Jean

Quelques mois à peine après son arrivée, Philippe St-Jean fait déjà beaucoup de bruit au département. Détenteur de la prestigieuse chaire de recherche en photonique quantique financée par le ministère de l’Économie et de l’Innovation, il est aussi un des trois chercheurs en physique parmi les membres fondateurs de l’Institut Courtois.

Pour Philippe St-Jean, ce poste est un retour au département de physique, où il a reçu son baccalauréat, après un détour qui l’a d’abord amené à Polytechnique, pour une maîtrise et un doctorat sous la supervision de Sébastien Francœur. Grâce à des bourses CRSNG puis Marie Sklodowska-Curie, il part ensuite faire un long stage post-doctoral l’Université Paris-Saclay. Alors qu’il s’apprête à passer les concours du Conseil national de la recherche scientifique et à s’installer en France pour encore quelque temps, la pandémie s’installe et vient tout perturber. Le calendrier des entrevues est retardé et Philippe et sa famille décident de rentrer à Montréal et de profiter de nombreux postes qui s’annoncent dans son domaine. Dans l’abondance d’offres, Philippe choisit l’Université de Montréal où il prend poste, en juillet 2021.

Nouveau collègue avec qui j’ai peu interagi depuis son arrivée, cet article a été l’occasion pour moi de discuter longuement avec lui de sa carrière, de sa vision de la physique et de ses projets.

Le goût du fondamental

Dans sa jeunesse, Philippe n’était pas attiré par la science ou la technologie; c’est plutôt la littérature qui l’intéressait, et la page blanche qui laisse place à l’imagination et à l’exploration sans contrainte. S’il aime l’idée du casse-tête à résoudre, il préfère encore plus préparer les pièces et contrôler la nature du problème. C’est cette possibilité qui découvre avec la physique, ce qui l’amène à faire son baccalauréat dans de domaine à l’Université de Montréal. Il poursuit avec une maîtrise et un doctorat en génie physique à Polytechnique Montréal. Riche de cette formation, il réalise que l’accent mis sur les applications, qui caractérise le génie, l’éloigne de son désir de créer ses propres questions. Il décide alors de réorienter ses recherches vers des questions plus fondamentales. Il choisit donc de faire un stage postdoctoral à Saclay afin d’explorer la photonique topologique qui lui offre un vaste terrain de jeu à la grandeur de ses ambitions.  Convaincu de sa place dans la recherche fondamentale, il opte alors, lorsque vient le temps d’accepter un poste de professeur, pour le département de physique de l’Université de Montréal, un département qui se démarque par la gamme de domaines fondamentaux qui y sont traités.

Le plaisir de la page blanche

L’optique quantique, telle qu’il la pratique, lui permet d’explorer les concepts de la mécanique quantique avec une flexibilité et une richesse difficiles à retrouver par d’autres méthodes. Cette branche de la physique cherche, en effet, à manipuler la lumière, grâce à des structures assemblées de toute pièce, pour faire apparaître de nouvelles propriétés. Et, alors que le physicien de la matière condensée, qui tente de manipuler les électrons, est contraint par la gamme d’atomes stables et les structures cristallines, les chercheurs en optiques quantiques ont la liberté qui vient avec des montages macroscopiques qu’ils peuvent concevoir à leur guise. Tout comme l’auteur devant cette page blanche qui le fascine, Philippe peut donc formuler les questions et inventer les montages afin d’y répondre.

Comprendre l’effondrement de la fonction d’onde

Dans un domaine à la fine pointe de la physique, comme l’optique quantique, il est tentant de toujours courir derrière le dernier sujet à la mode, pour se donner l’impression d’être à l’avant-garde. Bien qu’il reconnaisse les règles du jeu, qui exigent de participer à cet engouement, Philippe ne perd pas de vue la question qui oriente ses travaux: qu’est-ce que l’effondrement de la fonction d’onde et comment peut-on la protéger le plus longtemps possible? Bien que la mécanique quantique a presque un siècle et que les équations d’Heisenberg et de Schrödinger ont survécu indemnes à des décennies d’exploration, la nature de la fonction d’onde et sa transformation conservent de nombreux mystères que l’informatique quantique a ravivés depuis près de 30 ans. Les façons d’aborder cette question sont multiples. Selon l’angle choisi, Philippe peut donc à la fois s’arrimer aux problèmes de l’heure sans perdre de vue l’enjeu qui le préoccupe depuis déjà plusieurs années.

Un moment charnière de la vie du département de physique

Philippe est arrivé au département de physique au milieu de la pandémie, alors que la majorité de ses collègues travaillaient à distance, ce qui n’a pas facilité les échanges au début. En revanche, il s’installe dans bâtiment neuf, riche de laboratoires modernes. Bénéficiant d’une chaire financée directement par le ministère de l’Économie et de l’Innovation, qui veut développer le domaine de l’optique quantique, Philippe est aussi un des chercheurs membres fondateurs de l’Institut Courtois, créé en avril 2022 grâce à un don exceptionnel de la Fondation Courtois. Si le programme de l’Institut reste à préciser, il faut reconnaître que les bonnes nouvelles s’accumulent pour Philippe, ce qui devrait lui offrir la possibilité de poursuivre ses intérêts avec la liberté nécessaire à un créateur préoccupé par des questions fondamentales d’une pertinence majeure pour notre compréhension d’une des plus grandes théories de la physique et son application à des domaines dont plusieurs restent à inventer.

L’arrivée de Philippe St-Jean au département représente la continuité des travaux en optique, un domaine représenté par de nombreux professeurs au cours des années, dont Richard Leonelli, bien sûr. Elle représente aussi une cassure, avec une orientation tournée vers l’utilisation de la lumière pour comprendre des enjeux fondamentaux plutôt que comme outil pour caractériser la matière, une cassure qui permet au département de physique de continuer à contribuer de manière importante aux grandes questions de l’heure.

Voir également :

Philippe St-Jean: faire la lumière sur la matière | UdeMNouvelles (umontreal.ca)

 

Normand Mousseau